Laslandes fait durer le plaisir

 

 

Moteur, ça tourne. Lilian Laslandes rembobine son tout premier but enD 1 en un clin d’oeil : « Avec Auxerre face à Toulon (en novembre 1992). Il y a 1-1, et je marque de la tête à la 89e minute, au duel avec Rabat. » Première sensation ? « L’étonnement ». Et samedi dernier, à Monaco, quand l’attaquant niçois à la silhouette faussement raide a égalisé in extremis dans le derby azuréen (1-1, son deuxième but de la saison) ? « Avec les collègues qui me courent après et, face à moi, la vision de tous nos supporters en délire... Une joie indescriptible. » Il en a jeté son maillot aux fidèles de l’OGCN. « Ce qu’il a réussi à Monaco me remplit de bonheur, réagit Guy Roux, son ancien entraîneur à Auxerre. Je suis très fier de lui. Il avait débuté en D 1 chez nous, et c’est peut-être le joueur qui a le plus profité de l ’entraînement de l’AJ Auxerre. Il avait un coeur et une application tels qu’il a dépassé plein de monde. Il avait été pris en grippe par notre public à un moment, c’est vrai, c’est une des injustices que j’ai pu percevoir dans ma carrière. Mais Szarmach aussi, alors... »

Lilian Laslandes est un personnage marquant et foot furieux qui forçait, l’autre jour, l’admiration de son entraîneur, Frédéric Antonetti : « Lilian, c’est le coéquipier idéal. Si on ne l’avait pas, les autres joueurs de l’équipe ne seraient pas mis en valeur comme ils le sont. Il est exceptionnel, et dans ma carrière je n’ai pas connu de joueur de cette dimension-là. Nice sans Laslandes, ce ne serait pas exactement Nice. » Son hélice ? « Le plaisir. Plaisir de jouer dans une équipe solidaire qui baigne dans une très bonne ambiance. On rigole bien, on se fait des repas et des challenges, on sait aussi se dire les choses quand il le faut,même quand ça va bien. Et puis Nice, c’est une belle histoire. Le club m’avait laissé repartir, à ma demande, à Bordeaux voilà trois ans sans exiger de transfert alors que j’étais encore sous contrat. En retour, en janvier dernier, Bordeaux, ne sachant pas s’il allait me garder une saison de plus, m’avait libéré pour services rendus, et je suis revenu aider une équipe en difficulté. » Nice-Bordeaux, c’est le prochain rendez- vous en Championnat, dimanche. C’est aussi un trajet que le double champion de France (1996 et 1999) avale une fois par semaine pour rejoindre ses proches en Gironde.

« Une note à ma carrière ? Disons 7 sur 10 »

En général, il part après l’entraînement du mercredi et revient pour celui du vendredi. Il saute donc l’entraînement du jeudi, jour où les « anciens » sont ménagés. Un modus vivendi avait été trouvé en début de saison avec un Antonetti plus souple, car le long d’une saison passée éprouvante, il y avait eu, parfois, comme une saturation, chez les trentenaires, à vivre des ateliers plutôt de catégorie post-formation. « On ne peut pas demander la même chose à Lilian et à Modeste, qui a dix-neuf ans », ajuste Antonetti. La Gironde, c’est aussi de là qu’est partie la carrière de Laslandes, qui aurait pu passer inaperçu : « J’ai vu des joueurs deux ou trois fois plus doués que moi, mais pour qui ça n’est pas passé. » Pour lui, pas de centre de formation, mais un bond de Mérignac (DH) à Saint-Seurin (D 2) en 1991. À l’époque Mérignac, il était intérimaire, gagnait 6 000 francs par mois avec un crédit moto sur le dos. C’est un ancien joueur de Saint-Seurin, Didier Subero, coéquipier à Mérignac, qui l’avait aiguillé vers le club d’André Menaut, tremplin vers l’AJA. Depuis, il s’est tricoté une carrière qui lui tiendra bien chaud après. Quelle note lui donnerait- il ? « Une note à ma carrière ? Eh bien... Disons 7 sur 10. »

Le seul épisode vraiment sombre, il l’a traversé à l’étranger, en 2001-02 (six mois à Sunderland en Angleterre, six mois à Cologne en Allemagne, zéro but). Lucratif (environ 107 000 euros par mois) mais peu épanouissant. À Sunderland, il avait tenté des efforts pour l’équipe (cours d’anglais, paintball et karting à son initiative), sans retour. Physiquement, l’homme au mode de vie ni monastique ni dissolu est assez intact : « J’ai les mêmes résultats aux tests qu’il y a dix ans en endurance, puisque la vitesse, je ne m’en sers pas beaucoup. (Sourires.) » Et la suite ? Une saison encore en rab à Nice ? « Peut-être, on verra, on en rediscutera au printemps. Si l’envie est toujours là des deux côtés... J’ai aussi mes filles qui grandissent. »Quant aux contours de l’après-carrière, il n’a pas d’idée précise, mais il ne la voit pas détachée du foot, lui qui s’est déjà diversifié dans la restauration (le Café Populaire et la Villa Tourny à Bordeaux). Au fait, que lui avaient offert ses coéquipiers pour ses 36 bougies, le 4 septembre dernier ? « Il n’y avait pas eu de cadeau, mais on avait bu le champagne. S’ils pouvaient m’offrir une victoire contre Bordeaux... »