La révolution attendra
L'Equipe

Les actionnaires niçois sont décidément impayables. Après avoir débarqué Maurice Cohen et fait peser de lourdes menaces sur l’avenir de Frédéric Antonetti, au point de proposer à José Cobos de prendre la suite, ils ont réintégré le premier dans ses fonctions de président et ont confirmé, hier matin, le second comme entraîneur.
Président 
du Gym pendant quatre jours, Franck Giudicelli, trente-deux ans et 27 %des parts 
de la SASP, avait promis du neuf pour ce début de semaine. « Vous saurez tout de 
la politique globale du club à partir de lundi », avait-il dit dans un 
communiqué distribué vendredi. Hier, c’est encore à travers un communiqué que la 
montagne a accouché d’une souris : « Le conseil d’administration a décidé de 
conserver sa confiance à Maurice Cohen pour diriger la politique globale du 
club. Il sera épaulé à la tête de l’OGC Nice par Franck Giudicelli qui aura en 
charge la partie sportive. Frédéric Antonetti et son staff ont été confirmés 
dans leurs fonctions. »
Heureusement que le ridicule ne tue pas. Car c’est un virage à 180 degrés par 
rapport à leur position initiale qu’ont pris Franck Giudicelli et Marcel 
Governatori, soixante-huit ans et 31 % des parts, les deux actionnaires 
putschistes. Les « pacsés », comme les avait définis Cohen. Seule différence 
avec ce qui se passait précédemment, Giudicelli, qui avait peu à peu disparu du 
paysage du club ces derniers temps, se rapproche du secteur sportif. Il sera 
secondé par Roger Ricort, qui  garde ses prérogatives. « Nous avons 
traversé une petite (sic) crise mais nous en sortons plus forts, a déclaré 
l’éphémère président. Après des discussions et des rencontres, j’ai compris ce 
qui se passait. L’essentiel, c’est la pérennité du club. Nous sommes obligés de 
prôner l’union sacrée. On a besoin de tout le monde pour sortir de la crise 
sportive et peut-être politique. Je me présente en fédérateur. » 
Pourquoi pas, après tout ? Car, à l’inverse de Marcel Governatori, que l’on avait beaucoup entendu la semaine dernière – et qui, hier, s’est simplement fendu d’un piteux « je suis très content du retour de Maurice Cohen » – Franck Giudicelli est toujours resté sur la réserve. Il expliquait que son but n’était pas de renverser Cohen et qu’il ne voyait pas l’intérêt de virer Antonetti, « un bon entraîneur ».Son association avec Governatori pour prendre le contrôle du club avait donc étonné et son retour dans les clous peut s’expliquer.
La leçon des « sportifs » aux « administratifs »
Sans doute Giudicelli s’est-il rendu compte qu’il s’était vite emballé, que la fonction de président ne s’improvise pas et qu’il risquait, en cas d’échec, d’être considéré comme le principal fossoyeur du Gym. Et puis, Cohen a parfaitement joué le coup. En rendant public lui-même son renvoi à la fin de Nice-Toulouse (0-1), il a réussi à désamorcer la bombe. Alors qu’ils envisageaient de révolutionner le club en toute discrétion, ses adversaires ont été obligés de se découvrir, de parer au plus pressé et ils ont été pris de cours. L’ex-président déchu, revenu en grâce, n’en tire aucune gloriole. Toujours beaucoup plus remonté contre Marcel Governatori que contre Franck Giudicelli, il est à nouveau prêt à travailler avec des personnages qu’il vilipendait très récemment.
Tous les problèmes ne sont pas réglés et la guerre reste ouverte avec 
l’association, qui détient le numéro d’affiliation auprès de la FFF et avec qui 
il va falloir bientôt renégocier la convention. Mais la situation sportive est 
assez grave pour taire momentanément les rancunes et montrer une unité de 
façade. Cohen : « Ma seule préoccupation, c’est le club. C’est pourquoi je suis 
ravi de travailler avec Franck Giudicelli que j’ai longuement rencontré. Le 
savoir-faire de tous ne sera pas
de trop. J’ai purgé les différences que j’avais avec certains parce que j’estime 
qu’en ce moment on a besoin avant tout de solidarité. On reparlera de tout
ça plus tard mais, pour l’instant, c’est le maintien en L 1 qui doit nous 
guider. » 
La mission incombe toujours à Frédéric Antonetti et à son staff, à deux doigts du départ tout au long de la journée de vendredi dernier quand José Cobos a été pressenti pour reprendre l’équipe. Mais puisque Cohen et Ricort restent en place, ils n’ont plus de raison de renoncer. « Je m’attendais à des turbulences, dit l’entraîneur. Si on avait été dixièmes, tout ça ne se serait pas produit. L’état d’esprit est toujours le même. Ce qui nous obsède tous, c’est le maintien. Il faut, certes, renforcer cette équipe dans la mesure de nos possibilités mais on a les moyens de parvenir à nos fins. Même s’il faudra peut être attendre la dernière journée. » En tout cas, avec une équipe rajeunie et un mental remarquable, les sportifs ont donné une jolie leçon aux administratifs le week-end dernier. La réaction et la tenue de Nice dans l’antre lyonnais (1-1), dans des conditions particulièrement délicates, a constitué un signal fort et a peut-être changé toutes les données du problème. Car, si aujourd’hui on ne sait pas dans quelle mesure le nul ramené de Gerland a pu influer le cours des choses, il paraît clair qu’il a pesé dans la succession des événements.
Le tour du propriétaire

En place depuis cinq ans et le sauvetage du club, dans un consensus et un sérieux qui tranchent avec des années de laisser-aller, les propriétaires de la SASP OGC Nice viennent de s’offrir leur première crise. Mais qui sont exactement les principaux actionnaires du club.
Franck Giudicelli, 32 ans, 27 % des actions
C’est le 
plus jeune, mais pourtant le plus ancien des actionnaires de l’OGCN. D’origine 
corse, il est né à Port-Vila (Vanuatu), au gré d’une mutation professionnelle de 
ses parents enseignants coopérants, et a fait irruption au printemps 
2002(accession sportive en L 1, rétrogradation administrative en National avec 
perte du statut pro). Le 22 mai de cette année, il a versé deux chèques d’un 
montant global de 1,1 M pour désintéresser le groupe Sensi (propriétaire du club 
de décembre 1998
à décembre 2001) et régler une partie des dettes URSSAF ou salariales à la place 
de Robert Cassone, dont il a pris la place à la présidence quelques jours plus
tard. Il avait surpris tout le monde en faisant sa première apparition publique 
à Paris devant la DNCG. Mais une semaine plus tard, il avait dû déclarer 
forfait,
perdant au passage une mise de fonds précipitée avec une apparente désinvolture. 
Incontournable, il avait ensuite été adoubé au titre de vice-président par le 
groupe « niçois » ayant souscrit aux impératifs de la DNCG. Détenteur d’un DESS 
en économie, ancien attaquant amateur féru de ballon et grand connaisseur de
l’Afrique – il a séjourné à Libreville (Gabon) de 1985 à 1993 –, il est issu 
d’une famille de casinotiers. La revente au groupe Accor de l’établissement de 
jeux
de Besançon, propriété de ses oncles et de son père depuis 1978, aurait rapporté 
quelque 26 M en 1997. Après avoir réalisé « quelques opérations immobilières », 
il se présente comme « administrateur de société ». Très proche du terrain lors 
de la première saison des Aiglons parmi l’élite, grillant cigarette sur 
cigarette en bord de touche lors des matches, il avait pris du recul pour « 
raisons professionnelles ». Celles-là même qui l’avaient empêché de s’investir 
davantage dans la gestion sportive du club.
Marcel Governatori, 68 ans, 31% des actions
D’une 
discrétion absolue, au point de passer sous silence l’importance de ses parts 
dans la SASP (31 %), ce chef d’entreprise dans l’ameublement est sorti 
brutalement de son anonymat, la semaine passée, en remettant en cause « la 
gestion globale » du club et en réclamant « beaucoup de changements ». On le dit 
proche de la municipalité. Ainsi que de l’Association OGCN (section amateur 
détentrice du numéro d’affiliation), qui est dans le collimateur de Maurice 
Cohen. Il était resté minoritaire, dans le courant de l’automne, lorsqu’il avait 
réclamé, selon Cohen, les « têtes de Bloch (directeur de la sécurité) et de 
Ricort (directeur sportif)
». Après son revirement, sa position semble aujourd’hui fragilisée.
Gilbert Stellardo, 67 ans, 31% des actions
Hommed’affaires fortuné et influent, premier adjoint en charge des finances 
déchu en août 2002 de ses délégations par le sénateur- maire Jacques Peyrat 
(UMP) sur fond de querelles liées aux élections municipales, cet ancien patron 
de la chambre de commerce et d’industrie des Alpes-Maritimes a longtemps été 
présenté à tort commeactionnaire majoritaire du club. Membre actif du comité 
local de soutien à Nicolas Sarkozy, il serait tenté, selon certains, de figurer 
lors de la prochaine
campagne pour l’hôtel de ville sur une liste concurrente de son ennemi de cinq 
ans. L’hostilité entre les deux hommes est telle que Jacques Peyrat avait refusé 
qu’il figure dans la délégation du club venue récemment lui présenter son 
dossier alternatif de grand stade. Le reste du capital de la SASP est réparti 
entre Maurice
Cohen, président salarié confirmé à son poste, Louis Bacchialoni, l’ancien 
patron de JVC, Jean Bessis et dix-huit petits porteurs, dont l’Association.